Lumière sur

Dahri Hamdaoui, tendres confidences d’un écrivain de l’âme

J’ai eu la chance de m’entretenir avec Monsieur Dahri Hamdaoui, auteur de Galette d’orge et Huile d’olive. Le moindre que l’on puisse dire, c’est que son talent n’a d’égal que sa gentillesse. Si vous souhaitez en découvrir un peu plus sur cet homme passionné, amoureux de la littérature française et témoin privilégié d’une Algérie en effervescence, je vous invite à lire ce qui suit.

1) Le titre Galette d’orge et Huile d’olive s’est-il imposé naturellement à vous ou bien avez-vous mis du temps avant de trouver l’intitulé qui vous paraissait le plus parlant ?

Au risque de vous étonner et d’étonner mes lecteurs, j’avais en tête ce titre avant même d’écrire les premiers mots de mon récit. Lorsque j’ai décidé de rassembler mes souvenirs en roman, il m’est apparu comme une évidence que la galette d’orge encore chaude, souvent réchauffée par ma mère à l’occasion, et la petite quantité d’huile d’olive versée dans une assiette qui constituaient l’essentiel de nos repas, étaient, à mes yeux, représentatifs de cette époque. Quand je repense à ces années de frustration la galette d’orge et l’huile d’olive s’imposent encore et naturellement à mon esprit.

2) Depuis quand écrivez-vous ? Qu’est-ce que le travail d’écriture vous apporte ?

J’ai aujourd’hui 66 ans. Je crois que j’ai, depuis toujours, écrit. La lecture et l’écriture ont, depuis mon enfance, été mes passions. Mes premiers écrits cohérents remontent à l’adolescence. A quinze ans, je remplissais des cahiers d’écolier de poèmes, de romans jamais achevés, de nouvelles. J’ai même écrit en algérien des saynètes ou des sketchs, qui, ma foi, ont eu leur petit succès auprès de mes camarades. Je pastichais aussi les chansons en vogue dans les années soixante.
Pour répondre à la seconde partie de votre question je vais puiser dans l’avant-propos de mon premier recueil de poésie publié en 2015.
« Écrire est pour moi un réel plaisir, une sorte de délectation douce amère. Écrire me fait si délicieusement mal. C’est une douleur que je vais puiser au fond de mon âme et que je fais durer. Je n’ai pas à chercher loin. Elle est là, enfouie au plus profond de mon être. Elle ne demande qu’à sortir. Alors je consacre tous mes efforts à la contenir, à colmater les brèches de la frêle embarcation de mon âme qui prend eau de toutes parts. Je ne crains pas le naufrage, je le retarde et je prends du plaisir à le faire. Cet état se prolonge parfois des jours. Je suis alors pris d’une frénésie d’écriture. Trouver le mot juste devient une obsession et une torture que vous ne pouvez imaginer. Cela est d’autant plus difficile que je ne peux le dire dans ma langue maternelle. Les idées se bousculent dans ma tête et j’enrage lorsque l’une d’elles s’égare. Je voudrais avoir plusieurs mains pour pouvoir les coucher toutes sur le papier. Je voudrais écrire tous les livres du monde. J’écris alors en toute hâte comme possédé par des démons, dans une sorte d’état second. Puis soudain, la tempête se calme et je reviens doucement à mes occupations ordinaires. »
C’est ce que je disais –en exagérant un tout petit peu – et je continue à penser que je ne sais pas ce que je serais devenu sans l’écriture. Je suis une personne hypersensible : tout me touche et tout m’émeut. Une gentillesse, que je sens sincère, et j’ai les larmes aux yeux… L’écriture est ma thérapie : écrire me permet de me soulager de ce trop plein d’émotions.

3) Dans Galette d’orge et Huile d’olive, vous y relatez votre enfance, on peut dès lors parler
d’autobiographie. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à publier ces souvenirs d’enfance ? Avez-vous rencontré des difficultés (émotionnelles ou autres) ?

Il y a plusieurs raisons. La plus superficielle est que je voulais montrer à la jeune génération d’aujourd’hui ce que la nôtre a enduré durant le colonialisme sans verser ni dans le misérabilisme ni dans la fabrication d’un passé ‘‘héroïque’’. La plus profonde est que je voulais me soulager de ce fardeau d’émotions que je portais depuis cette époque.
En écrivant, j’ai vu que je n’avais pas le droit de tout dire, aussi ai-je tu quelques souvenirs douloureux ou trop personnels. D’autres concernaient des personnes qui n’auraient sans doute pas accepté d’être citées. J’ai changé les noms de quelques-uns des personnages parce que je ne les ai pas revus depuis. J’ai gardé les initiales de quelques autres.
Quant aux difficultés émotionnelles, il m’arrivait souvent de pleurer en écrivant. Et jusqu’à aujourd’hui, je suis submergé par l’émotion quand je relis certains passages.

4) Je dois vous dire que j’ai été touchée par votre récit. J’ai beaucoup apprécié cette rigueur
dont vous avez fait preuve dans le travail d’écriture à proprement parlé. C’est fin, c’est beau,
c’est vrai. Je ne pense pas être la première personne à vous le dire, mais vous m’avez rappelé
Yasmina Khadra. Qu’en pensez-vous ?

La première personne qui a lu mon manuscrit a été mon instituteur, -Monsieur L. dans mon roman, qui vit aujourd’hui, depuis l’indépendance du pays, à Amiens -, m’a dit que je lui rappelais Camus. Plusieurs autres ont pensé à Mouloud Feraoun. Y en a même une qui a vu Marcel Pagnol dans ma façon d’écrire. J’ai lu les œuvres de ces illustres maîtres et peut-être en ai-je été imprégné ? Je vous rappelle Yasmina Khadra ? J’en suis flatté.

5) Quels sont vos prochains projets d’écriture ? À ce sujet, je sais de source sûre que vous
rédigez également des poèmes, pensez-vous publier prochainement un recueil ?

La suite de mon roman est quasi achevée. Encore un ou deux chapitres… Je l’ai intitulée J’avais tous les jours quinze ans. Elle ne sera proposée à une maison d’éditions que si Galette d’orge et huile d’olive réussit.
J’ai aussi en chantier un recueil de nouvelles, (un premier recueil a déjà été publié chez l’Harmattan en France en 2007 sous le litre ‘‘Si mon pays m’était conté’’ et un roman avec un titre fantaisiste h(H)iStoiRe(s) (j’insiste sur cette graphie).
La poésie ? J’en écris tout le temps. J’ai publié un recueil chez Edilivre Îles inaccessibles, il s’en est vendu 4 exemplaires faute de promotion vu que je réside en Algérie. Je suis prêt à publier deux ou trois recueils si j’étais sûr de trouver un lectorat.
J’écris aussi des essais sur la langue parlée en Algérie, dont deux ont été publiés :
«Les Algériens n’ont pas oublié la langue de leurs ancêtres » (Le Quotidien d’Oran du 25 février 2009) et
«Le parler algérien, une langue à part entière : la preuve par ‘‘guef’’ » (El Watan, 10 octobre 2010)

Monsieur Hamdaoui, je vous remercie. Non seulement pour le temps que vous m’avez consacré ainsi que la considération que vous avez eu à mon égard, mais aussi pour l’œuvre
que vous avez partagée avec nous, lecteurs et âmes sensibles

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